A kinshasa, les bus des transports en commun n’ont ni klaxon ni rétroviseurs. Un collaborateur du chauffeur (le « receveur ») se charge de les remplacer

Article : A kinshasa, les bus des transports en commun n’ont ni klaxon ni rétroviseurs. Un collaborateur du chauffeur (le « receveur ») se charge de les remplacer
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29 avril 2023

A kinshasa, les bus des transports en commun n’ont ni klaxon ni rétroviseurs. Un collaborateur du chauffeur (le « receveur ») se charge de les remplacer

Depuis un certain temps, nous vivons une situation très surprenante à Kinshasa. Les receveurs des bus (collaborateurs du chauffeur) se tiennent désormais debout sur les portières des véhicules, servant de klaxons et de rétroviseurs, guidant ainsi les chauffeurs au volant. Ils mettent leur vie en danger et cela se passe sous le regard impuissant des autorités compétentes.

A Kinshasa, la plupart des bus des transports en commun roulent sans rétroviseurs ni klaxons. Une situation étonnante, malgré les multiples instructions du commissaire provincial de la police nationale congolaise, qui exige de bien entretenir les véhicules, en tenant compte du contrôle physique de ceux-ci. Mais les receveurs préfèrent la voie la plus facile, en restant débout, en s’appuyant sur les portières des véhicules, mettant en péril leur vie après avoir rempli le bus de passagers.

Crédit photo : Maria Maba

Mais qui sont les receveurs ?

Le receveur à Kinshasa est le collaborateur du chauffeur de taxi bus, il est le percepteur des frais de transport auprès des passagers, c’est lui qui indique les destinations et il sert d’intermédiaire entre les clients et le chauffeur. Il joue donc un rôle essentiel à chaque course, et gère les arrêts de bus pour déposer les clients.

Crédit photo : Photographe des rues de Kinshasa

Désormais, ces percepteurs, aussi appelés receveurs, se tiennent sur les portières des bus pour guider le chauffeur, en ayant leur propre jargon de travail. Ils ont leur propre langage pour klaxonner verbalement ou signifier à l’autre véhicule en vitesse de garder sa bande et de ne pas changer de voie. Ils décident même quand est-ce qu’il faut dépasser d’autres véhicules. Voici, par exemple, ce qu’on peut entendre dans les bus de Kinshasa :

  • Eh là, eh là, eh là garder bande : pour signifier à l’autre chauffeur de ne pas changer de voie « attention tu nous colles un peu trop, gardes ta bande »
  • Yaka naye : par ces mots le receveur dit au chauffeur de dépasser d’autres véhicules tout en faisant un signe de « OK » aux autres chauffeurs afin que ceux-ci attendent qu’il passe devant
  • Bongama o déposer : le receveur dit au chauffeur de bien positionner le véhicule pour déposer un client arrivé à son terminus

Une pratique périlleuse mais essentielle pour les chauffeurs

Cette situation dangereuse est rendue encore plus périlleuse au petit matin. La plupart des receveurs passent leur soirée dans les bars et consomment des liqueurs très fortes, ils dorment très peu et le matin certains d’entre eux sentent encore l’alcool. Sous l’effet de l’alcool et en manque de sommeil…. finalement des situations dramatiques arrivent : certains tombent des portières ouvertes et meurent sur-le-champ. Ces situations questionnent et effraient les passagers des bus : comment confier la vie d’une dizaine des passagers à une personne qui a la gueule de bois et qui a très peu dormi ? C’est mettre les passagers en danger !

Bien que cela soit extrêmement dangereux, certains chauffeurs s’en accommodent.

Patrick Nzuzi est chauffeur d’un Sprinter, il ne souhaitait pas être photographié, mais il a accepté de nous expliquer les raisons de cette pratique et sa motivation en tant que chauffeur : « Utiliser les rétroviseurs et le klaxon c’est bien, mais conduire à Kinshasa est un vrai défi, personne ne respecte le code de la route, c’est très dangereux mais on est bien obligé de faire avec. Très souvent les gens ne comprennent pas avec un simple klaxon, il faut plus que ça, et c’est là que les receveurs entrent en jeu. La nuit tout se mélange, les véhicules, les lumières des phares… on ne voit pas bien et nos receveurs sont d’une grande aide. S’ils ne sont pas là les choses deviennent très compliquées. Aujourd’hui on ne sait pas faire autrement, on a besoin des receveurs pour conduire.»

Crédit photo : Maria Maba

Cette pratique est un vrai défi pour les autorités compétentes. Cela dénote d’un réel manque de volonté de la part des propriétaires de ces bus. Finalement, chauffeurs et les receveurs préfèrent encaisser l’argent sans entretenir leur véhicule qui leur procure même cet argent. Cette situation est risquée, elle met la vie des passagers en danger.

Espérons que cette situation change un jour.
Qui vivra verra…

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